Pourquoi un QHSE ne devrait pas être élu au CSST : une confusion des rôles à éviter

 

À première vue, élire un responsable QHSE au sein du Comité de Sécurité et de Santé au Travail (CSST) peut sembler logique. Il connaît les normes, les procédures, les risques... Pourtant, cette idée est non seulement inadaptée, mais aussi contre-productive pour le bon fonctionnement du comité.

 

J'explique 

 

Le responsable QHSE est avant tout un acteur de la politique de prévention définie par l’employeur. Il applique les procédures, réalise les contrôles, établit les rapports, et veille au respect des normes de sécurité. Son rôle est exécutif et technique, directement lié à l’autorité de la direction.

 

Il devient donc un représentant de l’employeur, et non un représentant du personnel.

 

 

Le CSST : un organe de représentation des salariés

 

Les membres élus du CSST, eux, représentent les travailleurs. Leur mission est d’écouter, de proposer des améliorations, et de défendre les intérêts du personnel en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Améliorer l'organisation du travail et les relations de travail. 

 

Ce rôle exige une réelle indépendance vis-à-vis de l’encadrement, une liberté d’expression, ainsi qu’une capacité à faire remonter les préoccupations des salariés selon leur vécu et leur réalité, et non à les traduire uniquement en termes de non-conformité technique.

 

 

Le cœur du problème : double loyauté et confusion de rôle

 

Faire élire un QHSE au CSST revient à créer une situation de double appartenance : il devient à la fois représentant de l’employeur et représentant des salariés. Or ces deux fonctions sont incompatibles.

 

Comment représenter des collègues en souffrance psychosociale liée à une politique de sécurité rigide, déconnectée des enjeux de santé au travail… lorsqu’on en est soi-même l’un des concepteurs ou responsables ?

 

Comment défendre les salariés face à la sur-responsabilisation qu’ils subissent, à travers une accumulation de signatures dans des procédures, des quarts d’heure sécurité, des formations ou des sensibilisations souvent mal assimilées… lorsqu’on est soi-même l’exécutant de cette dérive organisationnelle ? En cas d’accident, le responsable est alors tout désigné : soit le salarié, pointé du doigt pour son comportement, soit le matériel, mis en cause par défaut.

 

Le Comité de Sécurité et de Santé au Travail (CSST) n’a pas été créé pour dupliquer ou renforcer le rôle du responsable QHSE.

 

Il a été conçu pour dépasser sa limite et élargir le champ d’analyse des risques professionnels en y intégrant des dimensions organisationnelles, relationnelles, sociales et humaines, trop souvent ignorées dans les approches purement techniques.

 

L’objectif du CSST est de créer un espace de dialogue pluridisciplinaire, où les salariés peuvent s’exprimer librement sur leur vécu au travail : pressions, tensions relationnelles, surcharge mentale, conflits hiérarchiques, incohérences de procédures… Ce sont des sujets que le QHSE ne traite pas toujours, car ils relèvent d’une lecture systémique et sociale du travail, et non d’une approche réglementaire ou normative.

 

 

 

Une présence déjà assurée : le QHSE n’a pas besoin d’être élu

 

Il est important de rappeler que la fonction QHSE est déjà représentée au sein du CSST. En effet, le responsable sécurité – qui relève généralement du QHSE – est membre de droit du comité. Cela signifie que même si l’entreprise ne dispose que d’un seul agent dédié à la sécurité, sa présence est déjà garantie dans le dispositif.

 

Dès lors, faire élire un QHSE parmi les représentants du personnel est non seulement redondant, mais aussi problématique sur le plan du fonctionnement. Cela reviendrait à accorder deux voix à la même logique de prévention technique, au détriment de la diversité des points de vue, des vécus du terrain et des réalités sociales que le CSST est justement censé faire émerger.

 

L’intérêt du CSST est de croiser les regards, pas de les aligner sur une seule approche.

 

Les élus, eux, doivent rester exclusivement du côté des salariés. C’est ce qui permet de préserver l’équilibre du comité, sa crédibilité, et l’objectivité du dialogue social.

 

 

En conclusion

 

On ne peut pas être à la fois l’œil de la direction et la voix des salariés.

Éviter que les QHSE se présentent aux élections du CSST n’est pas une mise à l’écart : c’est une mesure de bon sens pour garantir un comité plus crédible, plus représentatif, et plus efficace.

 

Un CSST fonctionnel repose sur des rôles bien définis, une pluralité des profils, et une séparation claire entre techniciens de la prévention et représentants du personnel.

 

Il est vrai que les textes exigent des candidats au CSST qu’ils possèdent des connaissances techniques en matière de santé et de sécurité au travail. Cependant, cette exigence de compétence ne doit pas être mal interprétée. Elle ne signifie pas qu’un responsable QHSE – parce qu’il possède une expertise technique approfondie – est automatiquement le meilleur choix pour représenter les salariés. Non

 

Un élu CSST doit disposer d'une neutralité que le QHSE, malgré ses compétences, ne peut pleinement garantir.

 

Faire élire un QHSE revient à confier à une seule personne deux rôles fondamentalement opposés :

Appliquer et faire respecter les règles de prévention (rôle technique, autorité) ;

Représenter les salariés, y compris face à des règles mal comprises ou mal vécues (rôle de relais social, écoute et questionnement).

Cette double posture entraîne inévitablement des conflits d’intérêts, nuit à la confiance des salariés dans le comité, et réduit le CSST à une extension du service QHSE, ce qu’il ne doit en aucun cas devenir.

 

 

Steeven BEKALE 

Expert CSST 

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